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L’histoire de Caron

À l’approche de l’âge mûr, nous sommes devenus conscients que trois d’entre nous étions destinés à contracter la MPR.
« Une famille est une unité composée non seulement d’enfants, mais aussi d’hommes, de femmes et, parfois, d’un animal et d’un simple rhume », a déjà dit d’Ogden Nash. Dans le cas de la famille Hirshmiller, ce n’est pas un simple rhume, mais plutôt la maladie polykystique des reins (MPR).

Si vous héritez du gène pour la MPR, vous avez cette maladie. Heureusement, un parent touché compte deux gènes, dont un seul est transmis à l’enfant. Ainsi, l’enfant a 50 % de chance de ne pas contracter la maladie. C’est exactement la situation au sein de notre famille. Notre père était atteint de la MPR, qu’il a transmise à trois de ses six enfants. Bien entendu, le sort ne donne pas toujours les résultats attendus. Grand-mère était l’une de neuf enfants, dont huit ont hérité de la maladie. Quelle malchance!

À l’époque de grand-mère, il n’existait aucun traitement pour cette maladie. Généralement, une personne avec ce gène vivait une vie normale jusqu’à ce qu’elle soit d’âge mûr, moment où la fonction rénale commençait à se dégrader. Grand-mère est décédée d’une insuffisance rénale terminale dans la cinquantaine.

Lorsque son fils a eu 40 ans, il commençait déjà à éprouver de sérieux problèmes en raison de la MPR, mais son avenir était plus prometteur grâce à l’invention de l’hémodialyse. Papa a été sous dialyse pendant 13 ans avant de succomber à des complications à 57 ans. La dialyse lui a donné 13 années de vie additionnelles, pour lesquelles il était reconnaissant. Tout comme nous !

La vie avec la dialyse n’est pas de tout repos et comprend bien des compromis et des défis.
Papa a beaucoup souffert pendant ces années; or, ces souffrances ont inévitablement eu de graves répercussions sur le reste de la famille. C’est douloureux de voir souffrir quelqu'un que vous aimez. En dépit de toutes les épreuves qu’a fait subir la MPR à ma mère, elle est demeurée un soutien indéfectible de mon père et est devenue (et continue d'être) une bénévole à La Fondation du rein. Même si la maladie l’accablait, papa a remarquablement conservé une attitude positive du début à la fin et n’a jamais (ou presque jamais) perdu son sens de l’humour. Après tout, ses options étaient meilleures que celles de grand-mère. Maman et papa ont été nos modèles; ils nous ont appris que face aux injustices de la vie, on doit tout mettre en œuvre pour améliorer son sort.

Notre père était le noyau de notre famille. Nous avons grandi tous les six, quitté la maison et fondé notre propre famille. Malgré la distance qui nous sépare, nous sommes demeurés très proches les uns des autres et mettons un point d’honneur de nous réunir régulièrement afin que nos enfants connaissent leurs cousins. Toutefois, le gène de la MPR a rapproché notre famille à un tout autre niveau. Les nombreuses choses que nous avons partagées au fil des années incluent maintenant des reins.
 
À l’approche de l’âge mûr, nous sommes devenus conscients que trois d’entre nous étions destinés à contracter la MPR. Le pronostic était peu encourageant, mais d’un autre côté, les trois autres avaient encore six reins en santé! Depuis l’époque de mon père, la technologie en greffe rénale et les traitements anti-rejet ont beaucoup avancé, ce qui a facilité la décision de partager les reins en santé. Ne croyez pas que cette décision ne comportait aucune crainte, mais face à l’option moins souhaitable de la dialyse et/ou de l’attente prolongée d’un donneur décédé compatible, la décision allait de soi.

À ce jour, notre aventure de greffe a donné lieu à deux interventions réussies. Ma sœur et moi étions prêtes à donner l’un de nos reins aussitôt que le moment viendrait de manière à permettre à deux autres membres de notre fratrie d’éviter la dialyse et ses effets nuisibles sur l’état de santé. Par conséquent, leur santé était relativement bonne avant l’intervention et ils ont pu ainsi récupérer plus rapidement.

Nous espérons une autre greffe réussie dans les annales de notre famille. Mon frère est prêt à donner un rein à notre sœur lorsque le moment sera venu.

De nombreuses étapes devront être franchies en commençant par l’évaluation de la comptabilité des tissus. Puis il devra subir une panoplie d’examens médicaux. Il ne servirait à rien de risquer sa santé ou de transmettre quelque chose à notre sœur, dont le système immunitaire sera affaibli à la suite de l’intervention.
Cette étape est la plus difficile : les examens qui semblent interminables, l’attente, l’angoisse de ne pas être compatible. Quel soulagement une fois tous les obstacles surmontés et l’approbation donnée à l’intervention! Fait assez surprenant, la greffe elle-même est facile du point de vue du donneur : un séjour à l’hôpital de deux à quatre jours et une période de récupération de six à douze semaines. Ma sœur l’a résumé ainsi : « C’est merveilleux qu’un inconvénient temporaire dans une vie puisse avoir un effet si profond et durable dans celle d’une autre personne. J’aurais souhaité pouvoir en faire de même pour papa. »