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Étude physiopathologique du syndrome hémolytique et urémique atypique causé par un déficit en DGKE

Dr Mathieu Lemaire
Hôpital pour enfants de Toronto
Bourse Nouveaux chercheurs KRESCENT & Soutien à l’infrastructure Nouveaux chercheurs KRESCENT
2017 - 2020
210 000 $
Biologie du rein

Résumé vulgarisé du projet de recherche

Les vaisseaux sanguins ressemblent à des routes capables de joindre n’importe quelle cellule de notre corps. Les cellules qui tapissent l’intérieur des vaisseaux sanguins portent le nom de «cellules endothéliales». Le sang circule rapidement dans les vaisseaux sanguins en santé, mais ralentit lorsque les vaisseaux sont endommagés, ce qui peut entraîner la formation de caillots sanguins. Ces derniers se comparent à un «petit bouchon dans la circulation routière» : il aide à réparer les vaisseaux sanguins endommagés. Notre organisme doit toutefois maîtriser les mécanismes qui participent à cette réparation afin d’éviter les « gros » bouchons. Les vaisseaux sanguins en santé n’ont pas besoin de caillots sanguins. Dans notre laboratoire, nous étudions la fonction des cellules endothéliales dans les reins. Nos travaux portent sur une maladie appelée « syndrome hémolytique et urémique atypique ». Pour simplifier cette appellation, nous utiliserons l’acronyme « SHUa ». Les patients aux prises avec le SHUa sont aussi atteints d’insuffisance rénale. Pourquoi? Parce que des caillots sanguins se forment dans les vaisseaux sanguins de leurs reins. Ces caillots empêchent le sang de circuler normalement dans ces organes. La circulation sanguine est cruciale, car elle fournit de la nourriture et de l’oxygène aux reins. Nous avons découvert que des mutations du gène codant pour la DGKE peuvent causer le SHUa. Rappelons que chaque cellule de l’organisme possède de l’ADN, un genre de code composé de gènes. Les gènes fabriquent des protéines qui sont les composantes de base des cellules. Les mutations, quant à elles, sont des altérations de l’ADN qui entraînent le dysfonctionnement d’une protéine. Dans le cas de nos patients, des mutations empêchent la DGKE de fonctionner normalement. La DGKE est une enzyme qui agit sur les lipides; cet acronyme fait référence à la « diacylglycérol kinase epsilon ». Le diacylglycérol est aussi connu sous l’acronyme « DAG ». Les enzymes s’apparentent à des machines qui effectuent des tâches précises dans les cellules. Par exemple, les kinases ajoutent un groupe phosphoré à leur cible. Or la DGKE est une kinase dont la cible est un lipide nommé DAG, que les cellules utilisent comme signal pour activer certaines fonctions précises, comme s’il s’agissait d’un interrupteur. Lorsque la DGKE modifie le DAG, elle éteint le signal de la cellule. Lorsque la DGKE ne peut fonctionner, c’est comme si l’interrupteur était resté sous tension trop longtemps. En pareille situation, l’organisme ne peut empêcher la formation de caillots sanguins dans les reins. Les patients souffrent alors d’insuffisance rénale et nous n’avons aucun traitement à leur offrir. Nous étudions les cellules endothéliales qui sont totalement dépourvues de DGKE et nous avons découvert trois pistes de recherche qui orientent notre projet. Premièrement, nous avons découvert que lorsque la DGKE ne fonctionne pas, cela nuit à la fonction de l’AKT, une autre protéine qui se comporte comme un interrupteur et qui active une autre protéine, l’eNOS. Deuxièmement, nous avons découvert que l’eNOS se comporte anormalement dans les cellules dépourvues de DGKE. L’AKT et l’eNOS jouent un rôle majeur : elles font en sorte que les vaisseaux sanguins restent dégagés et pas trop gluants. Nous ne savons pas comment le déficit en DGKE peut entraîner des problèmes avec l’AKT et l’eNOS ni comment cela peut porter atteinte aux vaisseaux sanguins. Troisièmement, nous avons aussi remarqué que les cellules endothéliales dépourvues de protéine DGKE ont de la difficulté à fonctionner normalement lorsqu’elles sont en contact avec le flux sanguin. Les cellules endothéliales sont comme des drapeaux qui ne sont pas bien attachés à leur mât par grand vent : elles s’envolent au loin, laissant les vaisseaux sanguins sans revêtement intérieur. Notre projet portera sur quatre grands axes pour nous aider à mieux comprendre le rôle de la DGKE au sein des cellules endothéliales.
 
  1. Déterminer comment le déficit en DGKE mène au dysfonctionnement de l’AKT dans les cellules épithéliales;
  2. Découvrir comment le dysfonctionnement de l’eNOS nuit au fonctionnement des vaisseaux sanguins dépourvus de protéine DGKE;
  3. Déterminer pourquoi le déficit en DGKE empêche les cellules endothéliales de résister à un flux sanguin normal;
  4. Vérifier comment les mutations de la DGKE observées chez les patients souffrant du SHUa altèrent la fonction et la structure de cette enzyme.
Cette étude est importante, puisqu’elle nous permettra de commencer à réfléchir à la mise au point de nouveaux traitements. Nos analyses de la fonction et de la structure de la DGKE pourraient s’avérer utiles dans le diagnostic de nouvelles mutations chez les patients. Elle nous en apprendra aussi beaucoup sur les mécanismes qui permettent aux vaisseaux sanguins sains d’empêcher la formation de caillots sanguins.


Biographie

Le Dr Mathieu Lemaire a terminé sa formation médicale à l’Université McGill en 2004. Il a ensuite étudié la pédiatrie et la néphrologie à l’Hôpital pour enfants de Toronto. C’est à l’Université Yale (New Haven, CT) qu’il a poursuivi ses études doctorales en médecine expérimentale sous la supervision du Dr Richard P. Lifton, à titre de boursier postdoctoral du programme KRESCENT.
Son projet de recherche portait principalement sur les aspects génétiques des néphropathies rares chez l’enfant et plus particulièrement sur le syndrome hémolytique et urémique atypique (SHUa). En 2014, le Dr Lemaire est retourné à l’Université de Toronto à titre de professeur adjoint en pédiatrie au sein de la Division de néphrologie de l’Hôpital pour enfants et au Programme de biologie cellulaire de l’Institut de recherche de cet hôpital en tant que chercheur scientifique, poste menant à la permanence. Il a été nommé conjointement à l’Université de Toronto, au sein de l’Institut des sciences médicales et du Département de biochimie.
Ses intérêts l’ont poussé vers la recherche translationnelle appliquée aux néphropathies rares chez l’enfant et faisant appel à des outils génomiques pour déterminer les gènes en cause. Suit une dissection fonctionnelle minutieuse des gènes pressentis à l’aide de technologies de pointe en microscopie, en biologie cellulaire et en biochimie.
L’objectif n’est pas seulement de mieux comprendre les caractéristiques physiopathologiques des maladies, mais aussi de faire en sorte que ces découvertes se traduisent en une amélioration concrète des soins cliniques.
Le Dr Lemaire a joué un rôle crucial dans l’identification du premier gène non lié au complément et qui est à l’origine d’une forme récessive du SHUa, la diacylglycérol kinase epsilon (DGKE). Son équipe cherche à découvrir par quels mécanismes un déficit en DGKE peut provoquer une thrombose restreinte aux petits vaisseaux sanguins des reins. Elle poursuit également ses recherches sur d’autres gènes responsables des néphropathies rares chez l’enfant en utilisant le séquençage de l’exome entier : le travail technique suit son cours et devrait aboutir à la découverte d’un autre gène responsable du SHUa, indépendant du complément.