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Comprendre les propriétés inflammatoires des solutés cristalloïdes : pourquoi la solution saline est-elle nocive?

Dr. Jean-François Cailhier
Centre Hospitalier de l'Université de Montréal
Subvention de recherche en santé des reins
2021 - 2023
100 000 $
Insuffisance rénale

Résumé grand public 

L’inflammation est un état physiologique présent chez tous les patients en soins intensifs. Les globules blancs du sang, appelés leucocytes, jouent un rôle fondamental dans la réponse inflammatoire. Cependant, lorsque l’inflammation est trop importante, les mécanismes compensatoires du patient deviennent insuffisants, ce qui peut entraîner des complications comme l’insuffisance rénale aiguë (IRA) ou d’autres troubles fonctionnels. Le système immunitaire passe alors d’une phase d’hyperactivité à une phase de fatigue associée à une immunosuppression et menant à l’apparition d’infections. Le moindre stimulus peut alors surexciter les leucocytes, ce qui aggrave les lésions rénales et tissulaires et entraîne cette fatigue immunologique. En plus de traitements antibiotiques, les patients admis à l’unité de soins intensifs reçoivent des fluides sous forme de solutés cristalloïdes. Trois types de solutions sont utilisées en clinique : la solution physiologique salée (communément appelée solution saline), le lactate de Ringer et le PlasmaLyte. Sans raison apparente, l’utilisation de la solution saline, qui contient une forte concentration de chlore, a récemment été associée à la survenue d’un nombre accru d’IRA et d’autres manifestations rénales graves. On ignore par ailleurs l’effet des fluides sur la modulation de l’inflammation et leur rôle dans l’apparition de lésions rénales et d’une immunosuppression chez les patients en soins intensifs. Selon nous, la solution saline est celle qui exerce le pire impact inflammatoire, son utilisation se traduisant par une augmentation des cas d’IRA. Afin de vérifier notre hypothèse, nous étudierons la modulation inflammatoire induite par la perfusion de chacune des solutions chez des patients subissant une chirurgie cardiaque. Nous analyserons également les leucocytes de ces patients pour nous aider à comprendre le mécanisme qui permet au sodium de les activer. De plus, nous évaluerons l’impact inflammatoire et les conséquences sur la fonction rénale des différents solutés cristalloïdes dans un modèle murin présentant une atteinte rénale particulière : le syndrome d’ischémie-reperfusion. L'absence d'inflammation excessive avant la chirurgie permettra d'évaluer toute modulation induite par ces solutions sur l'activation des leucocytes et la production des cytokines inflammatoires qui en découlent. Le modèle murin d'ischémie rénale induite par clampage artériel et néphrectomie controlatérale reproduira un état clinique souvent observé chez les patients en soins intensifs. Des analyses immunologiques et une stimulation immunitaire in vitro seront réalisées afin d’évaluer le potentiel inflammatoire des fluides dans des conditions in vivo et in vitro. Nous évaluerons l’activation leucocytaire par cytométrie en flux et mesurerons les concentrations plasmatiques des protéines inflammatoires au moyen de différentes techniques. Cette étude permettra de mieux comprendre l’impact immunomodulateur des solutions utilisées en clinique et son rôle dans l’incidence accrue d’IRA observée avec la solution saline. Nous serons ainsi en mesure de déterminer le type de soluté cristalloïde qui montre le plus faible potentiel inflammatoire et néphrotoxique. Ces résultats contribueront à approfondir nos connaissances quant aux effets immunologiques en vue d’une utilisation personnalisée des solutés cristalloïdes dans un contexte clinique.