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Une carence en acide sialique glomérulaire, nouvelle cause du syndrome hémolytique et urémique

Dr. Mathieu Lemaire
Hôpital pour enfants de Toronto
Subvention de soutien à la recherche biomédicale
2017 - 2019
99 000 $
Biologie du rein

Résumé vulgarisé du projet de recherche

Les reins jouent un rôle de premier plan dans notre organisme. Entre autres fonctions, ils contribuent à filtrer les déchets produits quotidiennement par l’organisme. Pour ce faire, ils ont besoin que d’énormes quantités de sang leur soient fournies toutes les heures. Le filtre, appelé « glomérule », sert de passoire; il retient les molécules et les cellules de grande taille (comme des spaghettis) dans le sang, mais laisse passer les petites molécules et l’eau dans l’urine.

C’est pourquoi il est très important que la circulation sanguine reste fluide dans les reins. Les phénomènes qui permettent aux vaisseaux sanguins des reins d’y parvenir constituent un casse-tête fascinant pour les scientifiques. Dans certaines maladies, le principal problème vient de la présence de caillots sanguins qui nuisent à la circulation sanguine dans les reins ou qui la bloquent complètement. Cette situation peut occasionner beaucoup de problèmes, car les reins ne sont plus capables de filtrer les déchets de l’organisme normalement. Or des caillots sanguins rénaux peuvent se développer chez les patients atteints d’infections graves causées par des bactéries appelées « pneumocoques ».

La plupart de ces patients sont des enfants qui auront besoin de dialyse pendant leur maladie parce que leurs reins ne fonctionnent plus du tout. Plusieurs d’entre eux garderont des séquelles aux reins lorsque l’infection sera guérie. Nous ignorons pourquoi des caillots sanguins se forment dans leurs reins. Par conséquent, nous ne savons pas non plus comment les traiter. Pour le moment, tout ce que nous pouvons offrir aux patients, c’est l’espoir que le temps fasse son œuvre, donc que les reins se rétablissent d’eux-mêmes. Nous avons toutefois un indice : une enzyme appelée « sialidase » qui est libérée par les bactéries dans le sang des patients. Une enzyme ressemble à une petite machine extrêmement spécialisée et efficace. Les sialidases n’ont qu’une seule mission : trouver et éliminer un sucre particulier, appelé « acide sialique », qui est fixé à des protéines situées à la surface des cellules.

Les protéines auxquelles des molécules d’acide sialique sont attachées jouent des rôles importants sur les cellules. Elles peuvent servir d’ancrage à certaines cellules sanguines et, simultanément, repousser les autres. Tous les patients qui contractent une maladie rénale pendant une infection à pneumocoques présentent un taux élevé de sialidases dans leur sang (un taux que l’on ne retrouve pas chez les personnes en santé). Le grand problème ici, c’est que nous ne savons pas pourquoi la présence de sialidases dans le sang est aussi nocive pour les reins. 

Nous avons découvert récemment une nouvelle maladie génétique qui se caractérise aussi par la formation de caillots sanguins dans les reins des patients. La partie intéressante de cette histoire, c’est que ces patients sont porteurs d’une mutation dans un gène appelé « ST3GAL1 », qui travaille avec l’acide sialique dans les cellules. 

En fait, sa fonction est totalement à l’opposé de celle des sialidases : il s’agit d’une enzyme qui fournit de l’acide sialique aux protéines alors que les sialidases l’en éliminent! Or nous avons fait des expériences en laboratoire qui montrent que ces mutations empêchent cette enzyme de fonctionner normalement. Les maladies bactériennes et les maladies génétiques pourraient dès lors être des images inversées l’une de l’autre. C’est pourquoi nous nous proposons d’étudier ces deux types de maladies simultanément afin de tenter de déterminer quel peut en être le dénominateur commun. À vrai dire, cette étude pourrait nous aider à mieux comprendre pourquoi le comportement biologique anormal de l’acide sialique provoque autant de problèmes chez les patients. Nous pensons qu’il doit exister des protéines spécifiques porteuses d’acide sialique à leur surface et qui jouent un rôle important dans la prévention des caillots dans les vaisseaux sanguins rénaux. La mise au point de traitements pour ces patients passe obligatoirement par une meilleure compréhension de ces maladies.

Biographie

Le Dr Mathieu Lemaire a terminé sa formation médicale à l’Université McGill en 2004. Il a ensuite étudié la pédiatrie et la néphrologie à l’Hôpital pour enfants de Toronto. C’est à l’Université Yale (New Haven, CT) qu’il a poursuivi ses études doctorales en médecine expérimentale sous la supervision du Dr Richard P. Lifton, à titre de boursier postdoctoral du programme KRESCENT. 

Son projet de recherche portait principalement sur les aspects génétiques des néphropathies rares chez l’enfant et plus particulièrement sur le syndrome hémolytique et urémique atypique (SHUa). En 2014, le Dr Lemaire est retourné à l’Université de Toronto à titre de professeur adjoint en pédiatrie au sein de la Division de néphrologie de l’Hôpital pour enfants et au Programme de biologie cellulaire de l’Institut de recherche de cet hôpital en tant que chercheur scientifique, poste menant à la permanence. Il a été nommé conjointement à l’Université de Toronto, au sein de l’Institut des sciences médicales et du Département de biochimie. 

Ses intérêts l’ont poussé vers la recherche translationnelle appliquée aux néphropathies rares chez l’enfant et faisant appel à des outils génomiques pour déterminer les gènes en cause. Suit une dissection fonctionnelle minutieuse des gènes pressentis à l’aide de technologies de pointe en microscopie, en biologie cellulaire et en biochimie.

L’objectif n’est pas seulement de mieux comprendre les caractéristiques physiopathologiques des maladies, mais aussi de faire en sorte que ces découvertes se traduisent en une amélioration concrète des soins cliniques.

Le Dr Lemaire a joué un rôle crucial dans l’identification du premier gène non lié au complément et qui est à l’origine d’une forme récessive du SHUa, la diacylglycérol kinase epsilon (DGKE). Son équipe cherche à découvrir par quels mécanismes un déficit en DGKE peut provoquer une thrombose restreinte aux petits vaisseaux sanguins des reins. Elle poursuit également ses recherches sur d’autres gènes responsables des néphropathies rares chez l’enfant en utilisant le séquençage de l’exome entier : le travail technique suit son cours et devrait aboutir à la découverte d’un autre gène responsable du SHUa, indépendant du complément.